Accueil Culture A l’Institut Français de Tunisie : Les mots et les couleurs du mouvement Ena Zeda

A l’Institut Français de Tunisie : Les mots et les couleurs du mouvement Ena Zeda

Inaugurée sous forme d’un hashtag, Ena Zeda prend l’aspect, aujourd’hui, d’une campagne de dénonciation du harcèlement sexuel, en particulier sur les réseaux sociaux. C’est à ce mouvement que l’Institut Français de Tunisie rend hommage depuis lundi.

Le hashtag Ena Zeda (moi aussi), paru après la diffusion d’images «compromettantes» d’un député devant un lycée, a permis à des milliers de femmes et d’hommes de libérer sur les réseaux sociaux une parole sur le viol et le harcèlement sexuel, longtemps prisonnière de la honte et du déni. Le hashtag fait écho à un mouvement mondial, une quasi-révolution contre le corps-otage des violences née suite à la campagne Mee Too d’octobre 2017. A ce moment, une publication du New York Times détaille, dans un article, des accusations pour faits de harcèlement sexuel à l’encontre de Harvey Weinstein, patron de studio, producteur et distributeur de films hollywoodiens. Les révélations d’actrices, victimes de cet homme puissant, font alors boule de neige…

Le hashtag Ena Zeda se transforme en un plaidoyer, contre le harcèlement, soutenu par l’Association Aswat Nissa (Voix de femmes), qui met à la disposition des victimes, femmes et hommes, une page Facebook. Une communauté se forme de…40.000 membres ! Les témoignages sont scandaleux, bouleversants, terrifiants.

C’est à cette campagne d’Ena Zeda que l’Institut Français de Tunisie (IFT) a voulu rendre une journée hommage avant-hier, avec l’inauguration d’une fresque murale, d’une exposition multimédia et la projection du court-métrage «Craque-Madame», suivi d’un débat.

«Organisez-vous. Mobilisez-vous. Soyez solidaires»

Sur l’avenue de Paris s’étendent sur plusieurs mètres les murs de l’IFT. C’est là que depuis lundi dernier, une fresque aux couleurs chatoyantes, signée par le jeune collectif d’artistes tunisiens «Blech Issm» (Sans nom) dénonce le harcèlement. On y voit des femmes en mouvement et en colère, pancartes à bout de bras, brandissant leurs slogans et leurs  droits à la dignité et au respect de leur corps. Le tableau rappelle des scènes vues au cours de la manifestation nationale contre la violence faite aux femmes, organisée par l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), en partenariat avec plusieurs autres ONG de sensibilité féministe, le 30 novembre dernier.

«Organisez-vous. Mobilisez-vous. Soyez solidaires», lit-on au centre de la fresque. La citation revient à Gisèle Halimi, féministe française d’origine tunisienne, récemment disparue, et dont l’Association Asswat Nissa a voulu rappeler le combat pour la libération du «deuxième sexe».

«L’appel de Gisèle Halimi fonctionne tellement bien avec la campagne Ena Zeda», affirment d’une seule voix Sarra Ben Saïd, directrice exécutive d’Asswat Nissa, et Sonia Ben Miled, sa chargée de communication.

La fresque restera sur la façade de l’Institut jusqu’à ce que le vent, la pluie et le soleil en décident autrement et balaient au gré de la marche des saisons le travail des artistes.

A l’intérieur du bâtiment, une partie du hall abrite l’exposition multimédia, scénographiée par l’artiste visuel Wadi Mhiri. Dix photos sur grand format restituent les moments forts de la grande marche du 30 novembre contre la violence à l’égard des femmes. La salle de l’exposition est, par ailleurs, peuplée par douze silhouettes découpées dans du carton épais. Elles racontent, à travers la voix d’enfants, d’adolescents ou de jeunes hommes et femmes des histoires vécues dans la peur, la douleur et la culpabilité de viol, de harcèlement et de violences sexuelles. L’ambiance sonore, qui habite l’espace, faite de chuchotements et d’un fond de musique quasi imperceptible est signée par l’artiste Alya Sallami.

«Le graphiste à qui revient l’agencement des textes, que portent les silhouettes des victimes m’a lancé à la fin de sa mission : Ena Zeda ! Il m’a confié à demi-mots son traumatisme toujours présent à la suite d’un «accident de parcours» «subi» dans sa prime jeunesse. C’est pour vous dire à quel point le phénomène du harcèlement domine la société patriarcale qui est la nôtre», explique Wadi Mhiri.

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